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Stéphanie Harvey : dans les souliers d’une gameuse professionnelle
Eric Martel
10 avril 2019
Jeux vidéo, Portraits
6 minutes à lire
453
La gameuse professionnelle Miss Harvey nous parle de son parcours dans un milieu dominé par la gent masculine.
Même si cette histoire commence avec un garçon, elle porte sur l’ascension d’une femme, dans un univers où elles sont parfois accueillies avec une brique et un fanal.
En secondaire cinq, pour impressionner un garçon qui l’intéressait, Stéphanie Harvey, une gameuse déjà bien assumée, commence à jouer au jeu Counter Strike.
« Je voulais me rapprocher de lui, et ça a fonctionné, puisqu’on est finalement allé au bal ensemble, lance celle que l’on connaît désormais sous le nom de Miss Harvey. Par contre, je pense qu’il s’est ramassé à embrasser une autre fille après le bal… »
Énorme prix de consolation : depuis déjà plus de quinze ans, la native de Québec joue professionnellement à ce jeu, auquel elle ne s’était initialement adonnée que pour des motifs de séduction.
« C’est vraiment l’un des jeux qui demandent le plus d’intensité, d’émotions, de coordination en équipe. »
Avec cinq championnats du monde sous la cravate, plus de cent mille abonnés sur Twitch et de vingt milles abonnés sur Instagram, on peut dire que la Québécoise est devenue une super-vedette.
Mais, tout ça ne s’est pas effectué du jour au lendemain.
Dès sa tendre enfance, jouer aux jeux vidéo est un passe-temps normal « comme lire et faire du sport » pour Stéphanie Harvey.
Si y jouer pendant de longues heures était mal perçu par la population générale à l’époque, ce ne l’était certainement pas dans son entourage.
« Je gardais un équilibre de vie normal, entre autres en jouant avec mes amis en personne. Aujourd’hui, c’est différent en ligne. Ce n’est pas un changement négatif, mais je m’ennuie de ça. »
Malgré sa passion pour les jeux vidéo qu’elle entretient au fil des ans, Miss Harvey choisit de s’inscrire à l’Université Laval en architecture, où elle complète un baccalauréat en 2008.
Déjà, elle voyait plusieurs similitudes entre les deux domaines.
« Dans le fond, c’était plus une façon pour moi de combiner mes passions. En architecture, on doit penser à l’usager. Ça demande de la créativité et des connaissances techniques, comme en jeux vidéo, où on doit penser à l'expérience, au parcours du joueur. »
À la fin de son baccalauréat, elle complète un DESS en design de jeux à l’Université de Montréal, tout en débutant sa carrière professionnelle au sein de l’équipe EmuLate! à Paris.
À ce moment-là, bien avant l’ascension de Twitch, la plus grande exposition des tournois et la hausse des bourses consenties aux joueurs, elle ne considérait pas une carrière à temps plein dans le domaine.
Ce n’est qu’en 2014, alors qu’elle concevait des jeux chez Ubisoft qu’elle tente le saut.
« J’étais prête. Je suis partie à Los Angeles, pris une année sabbatique d'Ubisoft et n’y suis jamais revenue. »
Cinq ans plus tard, sa réalité est tout autre.
Âge 32 ans et « tannée de vivre dans ses valises », elle revient au Québec, question de gagner un peu de stabilité.
En se baladant dans les rues, elle se fait désormais reconnaître.
« J’ai envie de dire qu’on m’accoste tous les jours, mais d’un autre côté, il y a certains jours où je ne sors pas! »
Son mode de vie a changé. Avant, elle pouvait jouer pendant plus d’une dizaine d’heures par jour, mais aujourd’hui, cinq heures lui suffisent.
« Pratiquer en solo, je n’aime pas ça. Présentement, c’est ce qui me nuit le plus; après les pratiques d’équipe, certains aiment continuer à jouer, mais moi je ne veux pas le faire. Je trouve que le jeu perd de sa valeur lorsque j’y joue seule. »
Il faut dire que pratiquer les jeux vidéo est beaucoup plus exigeant qu’on ne pourrait le croire. Ce n’est pas pour rien que l’âge de la retraite dans le milieu des ESports est similaire à celle des autres sports majeurs.
« Il y a une incompréhension par rapport aux ESports, puisque ce n'est pas physique comme d'autres sports, mais demande énormément de capacités mentales, de bons réflexes, et un esprit vif. »
Puis, la vie dans ce milieu demande beaucoup de voyagement. Dans le cas de la joueuse de Counter Logic Gaming, on parle de parcours chaque semaine entre Québec et Montréal, plus plus de déplacements internationaux.
« Je trouve ça très difficile, mais ça fait partie de mon métier. Avec ma progression, je vais pouvoir choisir de plus en plus les évènements que je veux faire ou non. »
Une autre facette du métier a beaucoup changé au cours des dernières années: l’importance de la présence des athlètes de ESports dans les médias sociaux.
Désormais, le nombre d’abonnés est de plus en plus important dans le milieu pour encaisser des revenus publicitaires.
« Des fois, il faut que je me recentre pour me rappeler ce qui est le plus important pour moi: m’épanouir. C’est difficile de constamment se comparer. Dans mon cas, être populaire sur les réseaux sociaux n’a jamais été facile. J’ai gagné mes fans un par un, avec des évènements à gauche et à droite. »
Tous ces facteurs font en sorte que depuis un certain temps, Miss Harvey a changé ses habitudes de vie.
« J’ai envie d’un nouvel équilibre de vie. Par exemple, ça faisait tellement longtemps que je n’avais pas eu de chum! Je n’ai plus envie de pratiquer pendant 10 heures par jour. »
Alors, peut-on imaginer qu’elle annonce sa retraite prochainement?
« Ça pourrait être maintenant, comme dans un an ou dans trois ans.»
Mais avant cela, Miss Harvey est toujours motivée par un désir de s’amuser, tout en remportant des compétitions.
Lorsqu’elle jette un regard en arrière sur son parcours, elle est particulièrement fière de sa persévérance
« Je n’ai jamais lâché, même si l’univers des jeux vidéo n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. Pendant dix ans de carrière, je n’ai fait aucun argent avec ça. Je le faisais pendant mon travail, par pure passion, simplement motivée par le désir d’être bonne. »
D’autant plus qu’elle y est parvenue en s’imposant dans un milieu dominé par des hommes, encaissant bon nombre d’insultes tout au long de sa carrière.
Même ses détracteurs ne l’épargnent toujours pas, la gameuse préfère parler d’un fléau qui ne se limite pas à son industrie, ou aux femmes.
« C’est un problème d’interactions sociales en ligne. C’est difficile pour tout le monde. J’essaie de ne pas lire les forums, mais lorsque j’en vois, j’avoue que c’est parfois difficile à lire, et que ça affecte ma confiance. »
Après s’être frayé un chemin jusqu’au sommet, elle offre le même conseil à toutes celles qui rêveraient de suivre ses traces: faire preuve de persévérance.
« On voit toujours les gagnantes, heureuses, mais pour elles, il y a des milliers de déçues. Même avec les déceptions, les sacrifices et le fait que ce n’est pas tout le monde qui comprend ce que l’ont fait, il faut se concentrer sur soi-même pour atteindre ses objectifs », conclut-elle.
Même si cette histoire commence avec un garçon, elle porte sur l’ascension d’une femme, dans un univers où elles sont parfois accueillies avec une brique et un fanal.
En secondaire cinq, pour impressionner un garçon qui l’intéressait, Stéphanie Harvey, une gameuse déjà bien assumée, commence à jouer au jeu Counter Strike.
« Je voulais me rapprocher de lui, et ça a fonctionné, puisqu’on est finalement allé au bal ensemble, lance celle que l’on connaît désormais sous le nom de Miss Harvey. Par contre, je pense qu’il s’est ramassé à embrasser une autre fille après le bal… »
Énorme prix de consolation : depuis déjà plus de quinze ans, la native de Québec joue professionnellement à ce jeu, auquel elle ne s’était initialement adonnée que pour des motifs de séduction.
« C’est vraiment l’un des jeux qui demandent le plus d’intensité, d’émotions, de coordination en équipe. »
Avec cinq championnats du monde sous la cravate, plus de cent mille abonnés sur Twitch et de vingt milles abonnés sur Instagram, on peut dire que la Québécoise est devenue une super-vedette.
Mais, tout ça ne s’est pas effectué du jour au lendemain.
De l’architecture au gaming
Dès sa tendre enfance, jouer aux jeux vidéo est un passe-temps normal « comme lire et faire du sport » pour Stéphanie Harvey.
Si y jouer pendant de longues heures était mal perçu par la population générale à l’époque, ce ne l’était certainement pas dans son entourage.
« Je gardais un équilibre de vie normal, entre autres en jouant avec mes amis en personne. Aujourd’hui, c’est différent en ligne. Ce n’est pas un changement négatif, mais je m’ennuie de ça. »
Malgré sa passion pour les jeux vidéo qu’elle entretient au fil des ans, Miss Harvey choisit de s’inscrire à l’Université Laval en architecture, où elle complète un baccalauréat en 2008.
Déjà, elle voyait plusieurs similitudes entre les deux domaines.
« Dans le fond, c’était plus une façon pour moi de combiner mes passions. En architecture, on doit penser à l’usager. Ça demande de la créativité et des connaissances techniques, comme en jeux vidéo, où on doit penser à l'expérience, au parcours du joueur. »
À la fin de son baccalauréat, elle complète un DESS en design de jeux à l’Université de Montréal, tout en débutant sa carrière professionnelle au sein de l’équipe EmuLate! à Paris.
À ce moment-là, bien avant l’ascension de Twitch, la plus grande exposition des tournois et la hausse des bourses consenties aux joueurs, elle ne considérait pas une carrière à temps plein dans le domaine.
Ce n’est qu’en 2014, alors qu’elle concevait des jeux chez Ubisoft qu’elle tente le saut.
« J’étais prête. Je suis partie à Los Angeles, pris une année sabbatique d'Ubisoft et n’y suis jamais revenue. »
Cinq ans plus tard, sa réalité est tout autre.
L’envers de la médaille
Âge 32 ans et « tannée de vivre dans ses valises », elle revient au Québec, question de gagner un peu de stabilité.
En se baladant dans les rues, elle se fait désormais reconnaître.
« J’ai envie de dire qu’on m’accoste tous les jours, mais d’un autre côté, il y a certains jours où je ne sors pas! »
Son mode de vie a changé. Avant, elle pouvait jouer pendant plus d’une dizaine d’heures par jour, mais aujourd’hui, cinq heures lui suffisent.
« Pratiquer en solo, je n’aime pas ça. Présentement, c’est ce qui me nuit le plus; après les pratiques d’équipe, certains aiment continuer à jouer, mais moi je ne veux pas le faire. Je trouve que le jeu perd de sa valeur lorsque j’y joue seule. »
Il faut dire que pratiquer les jeux vidéo est beaucoup plus exigeant qu’on ne pourrait le croire. Ce n’est pas pour rien que l’âge de la retraite dans le milieu des ESports est similaire à celle des autres sports majeurs.
« Il y a une incompréhension par rapport aux ESports, puisque ce n'est pas physique comme d'autres sports, mais demande énormément de capacités mentales, de bons réflexes, et un esprit vif. »
Puis, la vie dans ce milieu demande beaucoup de voyagement. Dans le cas de la joueuse de Counter Logic Gaming, on parle de parcours chaque semaine entre Québec et Montréal, plus plus de déplacements internationaux.
« Je trouve ça très difficile, mais ça fait partie de mon métier. Avec ma progression, je vais pouvoir choisir de plus en plus les évènements que je veux faire ou non. »
Une autre facette du métier a beaucoup changé au cours des dernières années: l’importance de la présence des athlètes de ESports dans les médias sociaux.
Désormais, le nombre d’abonnés est de plus en plus important dans le milieu pour encaisser des revenus publicitaires.
« Des fois, il faut que je me recentre pour me rappeler ce qui est le plus important pour moi: m’épanouir. C’est difficile de constamment se comparer. Dans mon cas, être populaire sur les réseaux sociaux n’a jamais été facile. J’ai gagné mes fans un par un, avec des évènements à gauche et à droite. »
Tous ces facteurs font en sorte que depuis un certain temps, Miss Harvey a changé ses habitudes de vie.
« J’ai envie d’un nouvel équilibre de vie. Par exemple, ça faisait tellement longtemps que je n’avais pas eu de chum! Je n’ai plus envie de pratiquer pendant 10 heures par jour. »
Alors, peut-on imaginer qu’elle annonce sa retraite prochainement?
« Ça pourrait être maintenant, comme dans un an ou dans trois ans.»
Pour la relève
Mais avant cela, Miss Harvey est toujours motivée par un désir de s’amuser, tout en remportant des compétitions.
Lorsqu’elle jette un regard en arrière sur son parcours, elle est particulièrement fière de sa persévérance
« Je n’ai jamais lâché, même si l’univers des jeux vidéo n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. Pendant dix ans de carrière, je n’ai fait aucun argent avec ça. Je le faisais pendant mon travail, par pure passion, simplement motivée par le désir d’être bonne. »
D’autant plus qu’elle y est parvenue en s’imposant dans un milieu dominé par des hommes, encaissant bon nombre d’insultes tout au long de sa carrière.
Même ses détracteurs ne l’épargnent toujours pas, la gameuse préfère parler d’un fléau qui ne se limite pas à son industrie, ou aux femmes.
« C’est un problème d’interactions sociales en ligne. C’est difficile pour tout le monde. J’essaie de ne pas lire les forums, mais lorsque j’en vois, j’avoue que c’est parfois difficile à lire, et que ça affecte ma confiance. »
Après s’être frayé un chemin jusqu’au sommet, elle offre le même conseil à toutes celles qui rêveraient de suivre ses traces: faire preuve de persévérance.
« On voit toujours les gagnantes, heureuses, mais pour elles, il y a des milliers de déçues. Même avec les déceptions, les sacrifices et le fait que ce n’est pas tout le monde qui comprend ce que l’ont fait, il faut se concentrer sur soi-même pour atteindre ses objectifs », conclut-elle.
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