Gameuses harcelées en ligne : où est la solution?
Florence Tison
15 février 2019
Jeux vidéo, Actualités
5 minutes à lire
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La semaine dernière, on levait le voile sur les atrocités que se font dire les filles lorsqu’elles jouent à des jeux vidéo en ligne. Les insultes graves pleuvent, et on ne peut pas y faire grand chose. Vraiment?
« Pour travailler dans le web, je sais que des solutions, il y en a, » soutient Sophie Déziel, développeuse web et gameuse. C’est juste que ça demande du temps de développement. Les compagnies de jeux ne veulent pas mettre les ressources humaines et financières pour le faire. »
Sophie Déziel, développeuse web et gameuse.
En attendant, les joueuses ont leurs propres tactiques pour se protéger. La première est de ne pas s’afficher en tant que femme sur les jeux en ligne. Mais selon la gameuse Sophie Thériault, « la solution ne devrait pas être de cacher son identité sexuelle. »
Ignorer les harceleurs
Toutes les filles ont leur propre plan de match lorsqu’elles sont confrontées à l’horrible harceleur gameur. Pour certaines, comme Sophie Déziel, il faut ignorer les attaques.
« Il ne faut absolument pas leur répondre, maintient la développeuse. Si on leur répond, on leur donne raison et puis ils vont continuer. Ce qu’ils veulent, c’est nous faire réagir : c’est ça leur fun! Il faut passer à d’autre chose le plus vite possible. »
La joueuse et directrice des communications et du marketing chez Randolph Lyne Bouthilliette n’est pas d’accord : « C’est comme si tu vois quelqu’un se faire intimider dans la rue et que tu tournes la tête! »
Lyne Bouthilliette, gameuse et directrice des communications et du marketing chez Randolph
Utiliser des modérateurs
Les insultes, Lyne Bouthilliette les vit surtout sur la plateforme de streaming Twitch, où elle diffuse des parties en direct. Twitch donne l’option d’engager un modérateur pour gérer les commentaires malveillants.
Mais sur Twitch comme sur les jeux en ligne, la modération n’est pas la solution parfaite.
« Lorsque tu engages un modérateur, cette personne-là vient bénévolement, et il faut que tu aies déjà plusieurs viewers, explique Lyne Bouthilliette. En ligne, il y a une modération, mais le message a déjà été lancé. Pour la streameuse, il est déjà trop tard : elle a déjà été atteinte au cœur! »
Dans les jeux en ligne, la dénonciation doit se faire pendant la partie. Pas facile dans le feu de l’action.
« Quand tu te fais ramasser, tu es en train de jouer, expose Lyne Bouthilliette. Tu n’as pas le temps de réaction pour enlever les messages. Ça reste un petit bout dans ton chat, et puis tu relis ça après… Ah bien, je viens de me faire traiter de pute! »
Du côté de la loi
On ne vous apprend rien en vous disant que la loi diffère d’un pays à l’autre et que même s’il est dans le même pays que la victime, l’harceleur n’en subira probablement jamais les conséquences.
« Il faut vraiment avoir avoir les coordonnées de la personne, déplore le professeur à l’UQAM et spécialiste de la cyberintimidation Stéphane Villeneuve. Même en cas de menace de viol, ça va être difficile pour la personne de dénoncer : les gens ne savent pas c’est qui! J’ai rarement entendu au niveau légal qu’une personne soit rendue coupable pour ses commentaires en ligne sur des jeux vidéo. »
Dommage qu’il y ait deux poids, deux mesures, alors que le commentaire virtuel est aussi dommageable pour la victime que celui fait face à face.
« Tout ce qui se passe en ligne devrait être puni de la même façon qu’en personne, » croit tant qu’à lui Stéphane Villeneuve.
Stéphane Villeneuve, professeur à l’UQAM en intégration des technologies de l’information et de la communication, et spécialiste de la cyberintimidation.
Du côté des entreprises en jeu vidéo
Pour qu’un joueur intolérable soit banni d’un jeu vidéo en ligne, il faut beaucoup de plaintes. Beaucoup. Ces plaintes sont difficiles à accumuler, puisqu’elles doivent souvent être effectuée pendant la partie. Bien des joueuses préfèrent passer outre et continuer à jouer.
« Je crois que l’idéal pour l’instant est de bannir la personne, mais le travail est de longue haleine, soupire lyne Bouthilliette. Pour qu’il y ait un recours, il doit y avoir énormément de rapports sur l’utilisateur. C’est une grosse machine, et ils ne peuvent pas s’arrêter à chaque rapport. C’est la tolérance zéro qui n’existe pas en ce moment. »
« Il y a un manque de volonté de la part de la plupart des plateformes, déplore Sophie Déziel. Sur Twitch, c’est super facile de te refaire un compte une fois que tu as été banni. Ils ont la capacité de limiter, mais ils ne le font pas. »
Toutes les entreprises en jeu vidéo du Québec que nous avons contactées pour une entrevue ont décliné ou n’ont pas répondu.
Se soutenir entre gameuses
Pour beaucoup de joueuses, la seule solution viable actuelle est de s’offrir du support les unes aux autres. Plusieurs groupes permettent aux gameuses de se rassembler en ligne, sur Facebook, par exemple, et elles ne s’en privent pas. Tant mieux pour elles.
« Il faut être capable d’en parler et de s’entourer de gens qui vont comprendre ce qu’on vit, et ne pas se décourager! insiste Lyne Bouthilliette. C’est difficile, tout dépendant l’épaisseur de ta carapace. Moi, je peux me faire traiter de noms à tous les jours, et une journée un commentaire va m’atteindre et me blesser. En parler, ça fait énormément de bien. »
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