La critique créative dans le secteur technologique
Mathieu Valiquette
26 octobre 2022
Carrière
5 minutes à lire
224
Ceux qui travaillent en équipe ont tous vécu ce dilemme : comment ne pas paraître pour LE critique du groupe, tout en faisant avancer le projet dans la bonne direction en donnant son opinion ?
« Les travailleurs des secteurs technologiques et des milieux créatifs sont confrontés à la critique au quotidien, que ce soit avant, pendant et après la publication d’un projet », explique le directeur narratif de Compulsion Games et scénariste Alex Epstein (We Happy Few, Contrast, Stories : the Path of Destinies).
Et la critique, il faut s’y faire. C’est un élément central à tout projet créatif, peu importe l’industrie dans laquelle on se trouve.
Lors de la conférence intitulée Comment donner et accepter une critique créative, présentée pendant l’événement dédié aux jeux vidéo MEGAMIGS 2022, M. Alex Esptein a par conséquent révélé ses techniques personnelles pour optimiser l’échange de critiques créatives.
Le directeur narratif et scénariste Alex Epstein
L’importance de la critique créative
Le progrès est obligatoirement précédé par la critique, selon Alex Epstein: « Ce choc d’idées distinctes est indispensable pour mener à bien un projet créatif », dit-il.
Dans le cas des jeux vidéo, la critique est un réel moteur d’innovation qui force les développeurs à repousser leurs limites toujours plus loin. « Sans critique, on ne ferait que reproduire le même jeu 50 fois, dit l’expert. C’est un input indispensable pour s’assurer d’une progression à travers chacun de nos projets. »
De plus, une critique constructive peut mener à des économies de temps importantes, ce qui est très pertinent dans une industrie comme celle des jeux vidéo, sous pression constante.
Par exemple, comme l’explique M. Epstein, les développeurs de jeux vidéo doivent créer des centaines de versions d’un même projet avant d’en arriver à une version finale (Alpha, Beta et cie). Les critiques émises par les testeurs ainsi que par les autres membres de l’équipe sont donc indispensables pour veiller à ce que chaque nouvelle version présente une progression.
Se fermer à la critique perturberait donc de façon significative la quantité de ces versions, selon Alex Epstein: « Si on évite de critiquer ouvertement et correctement dans l’équipe, cela peut augmenter le nombre de versions (builds) d’un projet, ce qui rallonge tout le processus et repousse la version finale », dit-il.
Comment mieux émettre une critique
Afin d’émettre une critique constructive qui remet en question le fruit de la créativité d’autrui, il est bon d’adopter un plan.
Pour ce faire, Alex Epstein suggère de bâtir une critique en quatre étapes, pour assurer un échange respectueux et riche en informations entre l’émetteur et le récepteur de la critique.
1) Avant même de communiquer sa critique, il faut être capable d’identifier les éléments qui font l’objet de la critique. De façon générale, un projet créatif ne peut être mauvais dans son entièreté. Il est donc important de communiquer les bons et les mauvais côtés du projet pour formuler une critique le plus précisément possible.
2) Ensuite, on peut expliquer ce qu’on pense que la personne a cherché à accomplir avec son projet. Selon M. Epstein, cela renforce l’aspect collaboratif de la critique, en forçant l’émetteur à se mettre dans la peau du récepteur pour obtenir son point de vue.
3) Il faut alors exprimer son désaccord en expliquant les erreurs qui ont été commises. Si la première étape a été complétée correctement, les éléments positifs et négatifs identifiés seront transmis de l’émetteur au récepteur à cette étape.
4) Finalement, il faut offrir des suggestions concrètes pour améliorer le projet créatif. Selon Alex Epstein, il est préférable d’utiliser la déclaration plutôt que la question à cette étape, car cela ouvre la porte à un meilleur dialogue.
Comment mieux recevoir une critique
Bien que cet aspect de la critique soit généralement oublié, il faut savoir recevoir les critiques tout autant que les émettre selon Alex Epstein : « Pour un boxeur, il est tout aussi important de savoir recevoir un coup que d’en donner un. C’est exactement la même chose pour la critique créative : l’un ne vient pas sans l’autre ! »
Alors, en tout premier lieu, si l’on souhaite être capable de recevoir une critique comme un as, il faut être capable de surmonter son ego et de se distancer de son propre projet créatif. Toutefois, rompre le lien affectif avec un projet aussi personnel qu’un jeu vidéo n’est pas évident. Il est même très difficile pour un développeur de rompre le lien affectif qui l’unit avec sa création. « Passer plusieurs années à travailler sur un projet créatif d’envergure comme un jeu vidéo affecte définitivement notre perspective. », dit l’expert.
Il est donc important de se détacher sentimentalement de son projet créatif, car cela peut empêcher de voir ses lacunes, en plus de mener vers une interprétation de la critique comme une attaque personnelle.
Afin de mieux vider son esprit pour être en mesure de se distancer d’un projet créatif, M. Epstein suggère de pratiquer d’autres activités quotidiennement, telles que du sport ou de sortir au restaurant. Ces moments de relaxation sont cruciaux pour se rappeler de séparer sa vie personnelle de sa vie professionnelle, ce qui permet de jeter un nouveau regard à son projet lorsque l’on replonge dedans.
Finalement, afin de mieux recevoir la critique, Alex Epstein conseille d’utiliser la technique du « Oui, mais, et » (traduit de l’anglais « Yes, but, and »).
Cette technique sert à guider la façon dont on répond à une critique. On commence par donner partiellement raison à son interlocuteur (Oui), pour ensuite offrir sa vision des choses (mais) ; et finalement, on propose une idée combinant la critique et notre point de vue (et). Ensuite, l’interlocuteur peut utiliser ce même procédé et arriver avec une nouvelle idée encore plus pointue.
Dans la mesure du possible, il est préférable de répéter ce procédé de question-réponse jusqu’à ce que les deux camps en viennent à un consensus. Ainsi, en utilisant la technique du « Oui, mais, et », on peut s’assurer d’incorporer les critiques à son projet de la façon la plus précise qui soit, tout en faisant preuve de la plus grande ouverture possible.
Il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter des réunions créatives et constructives !
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